ÉCLOSION, tu sèmes à l’aube de ta chair. (texte en français)
- Charlotte Alexandrakis
- Dec 19, 2024
- 3 min read

Ce désir de m'envelopper de fleurs, ce besoin de connexion profonde avec la nature, est une évidence qui a toujours été présente en moi.
Je cherchais à exprimer quelque chose, à libérer une part de moi-même que je ne comprenais pas totalement. Il évoque le début d'un processus de développement, un besoin de reconnexion, une quête d'évolution et de métamorphose.
C'est un désir d'absolu, de renouveau, un besoin de changement inévitable qui se manifeste tel un printemps, lors du processus de déploiement des bourgeons, laissant paraître au monde ses pétales frais et chatoyants.
Dans cette façon de se couvrir de fleurs, il y a quelque chose qui évoque l'idée de se recouvrir d'un cocon, tel une chenille se préparant à émerger. Il y a une connexion profonde avec le vivant, une mise en lumière d'une énergie cyclique, à l'image des saisons et des rythmes biologiques.
Toute cette symbolique du printemps, du renouveau et de la nature ne peut être complète sans évoquer l'hiver, l'attente, ce qu’on appel aussi la « nuit noire de l'âme », sombre mais essentielle. Car si une part de moi aspire à la lumière, à sortir des abîmes, l'hiver réside dans l'invisible, là où la lumière s'efface.
Cet hiver incarne mon identité spectrale, ces aspects subtils ou parfois cachés de ma personnalité. Il m’invite à réfléchir sur les parties invisibles mais significatives de moi-même, ces aspects qui émergent à un niveau plus profond de conscience. Dans ce jeu d'ombre et de lumière réside alors ce désir de me confronter à ma propre dualité.
Mais c’est aussi la question de ce que je montre, de ce que j'accepte de dévoiler, de me dévoiler et de ce qui reste dormant. Ne prenons-nous pas rarement conscience de certaines parties de nous-mêmes jusqu'au jour où elles sont mises en lumière?
Cette dualité se manifeste à travers le contraste persistant de ces deux pôles opposés créant ainsi un sentiment de confrontation intérieure. Cette confrontation se reflète dans la lutte entre l'exhibition et l'inhibition des différentes parties de soi, se traduisant également par le désir de ne dévoiler qu'une parcelle de corps.
On peut percevoir la ligne fragile et éthérée entre l'ombre et la lumière, formant un pont fantomatique qui évoque l'idée d'une connexion insaisissable et énigmatique entre mes différents univers. Cette connexion suggère une liaison, une transition renvoyant à différentes réalités, expériences, mais aussi entre mes différents états de conscience.
Au fil du temps, alors que je continuais à me photographier, les fleurs se sont abîmées, fanées, lassées. Elles ont commencé à chuter, transformant ma réalité en une nature morte. On apercevait ma chair, comme quelque chose de brouillon, usé par tant d'efforts, de mise en œuvre pour montrer au monde une part de moi qui avait été florissante.
C’est alors que je me suis aperçu que je me révélais peu à peu malgré moi, si bien que les fleurs perdaient leur accroche, exposant ma peau mais aussi quelque chose d’intime qui m’est propre. Les quelques vergetures de ma poitrine, le grain de beauté de mon sein. Les quelques cicatrices de mes blessures passées. La lumière crue qui servait autrefois à mettre en valeur mes couleurs démasquait désormais mon parcours, ma singularité.
Ce qui restait de ces jolies fleurs a disparu et c'est là que j'ai compris que c'était de nouveau le temps de la réclusion, l'automne prenant le pas sur l'été, l’hiver prenant le pas sur l’automne, l'ordre naturel des choses. Une fin est toujours un commencement, un renouveau, une transmutation qui ressemble à la mort.
Tel le corps de la chenille enveloppé dans l'obscurité, qui se fond en une masse informe de liquide, se liquéfiant pour se transformer, je me retrouve également dans un espace entre-deux. C’est l'espace liminal entre les mondes, ce lieu ambiguë où l'obscurité féconde mène à la transformation. C’est aussi le temps de se replier et de ranger mon matériel, jusqu'au nouveau printemps. Comme la chenille qui doit se confiner dans un cocon sombre pour devenir papillon, je dois moi aussi me retirer pour me régénérer et évoluer.
Toutes cette mise en œuvre évoque finalement les ruptures et les continuités.
Les ruptures représentent les moments de changement, de séparation, de remise en question, tandis que les continuités symbolisent la stabilité, la permanence, la cohérence.
Les ruptures peuvent être des moments de transformation, de croissance, mais aussi de douleur, de perte. Elles m’obligent à m’adapter, à me réinventer, à repenser mes certitudes.
En revanche, les continuités m’offrent un sentiment de sécurité, de bien-être, de confort.
Ensemble, elles façonnent mon parcours de vie, créant un équilibre entre le changement et la stabilité, entre l'incertitude et la sécurité. Elles me guident dans l’évolution, me permettant de me réinventer.

Kommentare